[Interview originale à lire sur le site de Monsieur Scientas’Hic]
A chaque roman son genre et son style. Voilà sans aucun doute une excellente manière d’introduire l’œuvre de Geoffrey Claustriaux, auteur à la plume polymorphe, volant de la Fantasy (Les Royaumes éphémères) à la science-fiction (Chroniques de l’Après-Monde), et du thriller (Pentecôte) au fantastique (Purgatoire).
L’envie d’explorer ne s’arrête pas aux frontières de la littérature : elle s’étend au cinéma, et, peut-être prochainement, à d’autres médias.
Et le désir de communiquer sa passion ne se contente pas de la seule facette d’écrivain : Geoffrey Claustriaux est également critique cinéma pour un site et a été, à plusieurs occasions, membre de jurys littéraires et cinématographiques (dont celui du prestigieux BIFFF !).
C’est cet « expérimentateur » de la littérature, toujours à la recherche de nouvelles expériences narratives, que nous vous proposons de découvrir dans cette longue et passionnante interview-discussion. Celle-ci ne vous permettra pas seulement d’en savoir plus sur ses écrits, elle vous invite à partager le point de vue d’un écrivain-critique-scénariste sur sa passion, sur sa méthode et sur bien d’autres choses !
Cette première partie débute sagement, par un premier contact avec son univers littéraire, avant de parcourir chacun de ses romans dans de prochains articles.
En quelques mots, peux-tu décrire ton univers et ce que tu fais ?
Je ne pense pas avoir un univers propre, j’essaie d’écrire un peu dans tous les styles. J’ai notamment commencé par de l’horreur et du fantastique via des nouvelles, puis je suis passé à l’Heroic fantasy pour mon premier roman. Je me suis également essayé au thriller policier hardcore, un livre qui a failli être publié mais qui ne l’a pas été, avant de m’attaquer à du policier plus classique (celui-là a été publié, il marche assez bien d’ailleurs), et au post-apocalyptique. Il n’y a vraiment que le romantique qui ne m’attire pas du tout, je ne me sentirais pas à l’aise dans ce style-là, mais sinon je suis fermé à rien. J’aime varier les plaisirs comme on dit, surprendre mes lecteurs en leur proposant à chaque fois quelque chose auquel ils ne s’attendent pas. Et puis, écrire dans différents styles permet aussi de toucher des publics différents.
C’est vrai que tu abordes pas mal de genres différents, est-ce que tu changes de genre « volontairement » quand tu finis un texte ou tes nouvelles idées t’emmènent-elles d’elles-mêmes vers d’autres horizons ?
Il y a un peu des deux, en fait. Généralement, c’est vrai que quand je termine un roman, vu que je suis quelqu’un qui se lasse assez vite, j’aime changer de style pour garder une certaine fraîcheur. Et puis, l’abondance d’idées fait que je passe naturellement d’un style à l’autre. J’ai une dizaine de projets que je pourrais lancer là, tout de suite. Quand je termine un roman, je vois juste lequel j’ai envie de faire après, mais ce n’est pas forcément un choix conscient. Je me dis : « tiens, celui-là m’attire le plus » et c’est en y réfléchissant que je me dis que ça change de style.
Par exemple, quand j’ai fait le policier [Pentecôte], c’est parce que je n’avais fait que de l’imaginaire jusque-là, et que j’avais envie de quelque chose de plus cadré, de vraiment ancré dans la réalité. Même dans la manière d’écrire, j’aime varier : Les Royaumes éphémères sont écrits à la 3e personne, alors que Les Chroniques de l’Après-monde, que j’ai rédigé entre deux tomes des Royaumes, est écrit à la 1re personne.
Est-ce que tu as quand même l’impression qu’un fil rouge ou que des thèmes récurrents traversent tes textes ? Ou c’est encore trop tôt, ce n’est que dans 30 ans, quand on analysera toute ton œuvre, qu’on pourra le dire ?
Il y a des thèmes qui reviennent, mais maintenant, comme tu dis, peut-être qu’on analysera ça quand j’aurai plus de romans [rires]. Je me rends compte qu’il y a deux thèmes qui reviennent souvent, celui de l’amitié contrariée et celui des gens qui tournent mal : est-ce que c’est à cause de l’environnement ? Est-ce que c’est inné ? La question m’interpelle.
J’aime bien aussi travailler les relations parents-enfants. Mes personnages ont souvent des relations compliquées avec leurs parents. C’est un peu bizarre parce que personnellement, je m’entends très bien avec les miens, mais c’est vrai que, dans mes textes, quand les parents ne sont pas morts, ils ont des relations conflictuelles avec leurs enfants.
C’est un thème que j’avais remarqué dans les deux romans que j’ai lus, Les Royaumes éphémères et Chroniques de l’Après-Monde. Dans ceux-là, sans spoiler, un personnage part à la recherche d’un membre de sa famille à un moment. Je ne sais pas si c’est le cas dans tes autres romans, mais tu as donc l’impression que c’est un thème récurrent ?
Oui, puisque dans Pentecôte, l’héroïne est orpheline. Elle a été élevée par son oncle et sa tante. Au début, elle découvre le corps de son oncle, et entretient une relation tendue avec sa tante. C’est même vrai dans Purgatoire, mon roman qui vient de sortir [le 01/03/17], le héros est à la dérive parce qu’il a été délaissé par son père. Il a un petit frère et, du coup, il essaie d’être un bon modèle pour lui. Ce n’est pas volontaire, mais je trouve qu’un background familial perturbé donne du corps aux personnages. C’est intéressant parce que, du coup, ils ont des failles, et j’aime les personnages faillibles.
J’ai aussi remarqué que, dans tes livres, tu aimes bien décrire des mondes, ou plutôt des villes architecturales. Par exemple dans Les Royaumes éphémères, la ville en forme de potions, le monde aquatique, etc. Ou Arcadium, Uranim,… dans Chroniques de l’Après-Monde. Il y a chaque fois un univers différent et original.
Tu as raison, je n’y avais pas pensé. A chaque fois que je crée une ville, cela me permet d’exploiter une hiérarchie sociale différente, ou plutôt une structure sociale différente. Cela se ressent plus dans Les Chroniques…, je pense, mais c’est vrai que dans Les Royaumes… aussi. Et, quelque part, ce n’est pas différent dans Pentecôte, parce que ça se passe sur une île qui a aussi restructuré son petit monde.
Pour bâtir ces villes, tu pars de ta seule imagination, ou tu fais des recherches sur des lieux existants ?
Ça dépend du type de roman. Dans Chroniques…, je me suis beaucoup plus renseigné pour, par exemple Arcadium qui est basé sur les Romains. Pour les cités des Royaumes…, je me suis juste dit : « je vais faire une ville avec des tubes, une ville avec des potions, etc. ». Là je me suis plutôt amusé, c’était plus imaginaire. Pour Pentecôte, par contre j’ai fait beaucoup de recherches, pour me rapprocher du réel.
Personnellement, j’ai beaucoup aimé ces différents mondes.
C’est gentil. J’aime créer des trucs funs, qui « pètent » visuellement. C’est un peu paradoxal de parler de livre et de visuel, mais j’aime beaucoup les lieux comme les parcs d’attraction, et quelque part chaque ville de mes livres en est un. J’essaye de transmettre cette sensation, où l’on peut regarder partout à la fois et être toujours surpris.
Propos recueillis oralement le 24/03/17, mis à jour par mail début mai.
Fin de la première partie.